Journal du Japon - Bon Voyage Japon : des affiches pour un superbe carnet de voyage illustré !

Journal du Japon - Bon Voyage Japon : des affiches pour un superbe carnet de voyage illustré !

Bon Voyage Japon : des affiches pour un superbe carnet de voyage illustré !

Née de la main d’un artiste français installé au Japon depuis plus de 10 ans, Bon Voyage Japon est le premier volume d’une future collection de livres hommage, sous la forme de carnet de voyage artistique. Son originalité : les œuvres sont basées sur le modèle d’affiches et sont associées à une calligraphie inspirée des goshuin, les tampons que collectionnent les visiteurs des temples. Journal du Japon vous emmène rencontrer Jean Freund, l’artiste derrière les affiches, et son premier ouvrage.

Journal du Japon : Bonjour Jean et merci pour ton temps. Pour commencer, peux-tu te présenter ? Quel a été ton parcours pour devenir illustrateur ?

Jean Bon Voyage

Jean : Bonjour et merci pour cette interview. Je suis originaire de Colmar en Alsace où j’ai toujours baigné dans une culture bilingue. Grâce aux liens étroits qui existent entre ma région et le Japon j’ai eu la chance d’étudier le japonais dès le lycée, puis ensuite à l’université de Strasbourg pour enfin atterrir à Tokyo où je vis depuis 11 ans.

Je n’ai jamais étudié le dessin, je crois que c’est quelque chose qui est inscrit dans notre patrimoine familial. Mon grand-père qui peignait beaucoup dans ses loisirs m’a beaucoup influencé, c’est d’ailleurs pour un de ses recueils de poèmes que j’ai publié mon premier dessin à l’âge de 10 ans je crois. C’était mon heure de gloire, il m’a fallu longtemps avant de republier !

Il y a eu des périodes de ma vie où je dessinais beaucoup, d’autres où je composais beaucoup de musique, et le dessin est revenu vers 2011 à Tokyo. J’avais besoin de m’évader d’un travail qui me plaisait moyennement, alors dès que j’avais le temps, je prenais un stylo. Petit à petit, j’ai défini mon style, développé mes créations, répondu à des commandes. Cela prend du temps et l’illustration a longtemps été une activité secondaire.

Comment as-tu construit ton style graphique ? As-tu eu des influences particulières ?

Si on parle de mon style actuel, je crois qu’il y a deux influences particulières. Tout d’abord, mes parents ont toujours collectionné des plaques publicitaires émaillés qui étaient en vogue au 20e siècle et il y en a partout chez eux, certaines font 2 mètres de haut. Elles ont un graphisme puissant, avec des polices d’écritures qui vous marquent, elles sont colorées et présentent des constructions originales. Je crois qu’elles se sont bien imprimées dans mon inconscient. Ensuite, ce sont les albums de Tintin que je collectionnais étant petit et dont la couverture à elle seule vous invite au voyage et à l’aventure. C’est certainement ce format BD qui m’a poussé à faire des dessins à la verticale en format portrait. Un artiste alsacien qui me parle beaucoup est Tomy Ungerer, qui a su faire des illustrations en apparence simple mais en réalité très intelligentes et dans différents styles. Je suis bien évidemment un fan des affiches de Broders ou de Kawase HASUI, mais ce sont des artistes que j’ai connu plus tard. Il y a 4 ans j’ai découvert Laurent Durieux, un artiste belge qui réinvente des affiches de cinéma, il a un talent fou pour raconter une histoire avec une simple affiche par le biais de détails et clins d’œil.

Jean Bon VoyageQuelle a été ta première rencontre avec le Japon ?

En classe de première j’ai eu l’occasion d’aller au Japon avec ma classe de japonais. 17 ans à l’autre bout du monde, dans une culture asiatique : j’ai eu un choc culturel immédiat. Nous avons été en famille d’accueil, c’était une belle expérience. Je parlais très mal à l’époque et cela m’a donné envie de persévérer.

Pourquoi as-tu choisi de t’installer au Japon ?

J’ai choisi de m’y installer car mon objectif depuis mes 17 ans était de maîtriser la langue. J’étais prêt à tout pour parler japonais et vivre des expériences inattendues. J’avais soif d’aventures et le défi qui se présentait à moi m’excitait.

Qu’est-ce que tu aimes dans ce pays, et qu’est-ce qui fait que tu y sois encore au bout de 11 ans ?

La langue japonaise y est pour beaucoup. Je suis linguiste, de ce fait parler dans une langue étrangère me passionne et écrire les idéogrammes s’approche beaucoup du dessin. Je retrouve cette sensation en Chine également. En Europe j’ai moins cette stimulation. Il faut aussi ajouter que les Japonais sont des gens très accueillants, aimables et qu’on se sent en sécurité tout le temps. La notion du groupe étant plus importante que celle de l’individu, on sent également une forte cohésion sociale, notamment à travers les différentes fêtes (matsuri) qui rythment l’année. Des événements similaires avaient lieu dans mon Alsace natale mais là il y a un côté exotique dont je ne me lasse pas. Il y a bien sûr des aspects de la France qu’on ne retrouve pas ici et qui me manquent beaucoup.

Comment t’es venu l’idée du projet Bon voyage ?

J’ai toujours dessiné en voyageant : le Japon, la Chine, le voyage en Transsibérien, l’Asie … et mes créations ont pour but de rendre hommage à ces lieux que je visite, tout en restant des souvenirs personnels avant tout. Avec la collection Bon Voyage, je veux offrir au lecteur une évasion, une redécouverte d’un lieu, un point de départ pour voyager par l’imagination. Chaque lecteur peut en réalité s’identifier à mon dessin et y retrouver des souvenirs. L’idée m’est venue alors que je cherchais à faire un livre avec toutes les affiches dont je disposais. J’ai réfléchis à un concept original et qui puisse s’adresser à n’importe qui, indépendamment de sa langue maternelle. Car même s’il y a un peu de texte dans le livre, le plus important est le dessin. D’ailleurs, souvent lors de mes voyages quand je ne peux pas communiquer dans la langue locale, j’utilise un carnet à dessins, et je peux avoir des conversations certes limitées mais toutefois intéressantes !

Bon Voyage Japon

Comment as-tu construit cet ouvrage sur le Japon ?

Je souhaitais faire un ouvrage interculturel qui s’inscrive dans la thématique du voyage. On a, d’une part, les affiches dans un style très occidental. De l’autre, des calligraphies japonaises de style Goshuin que l’on collectionne aujourd’hui encore dans les temples, et qui constituent une preuve de son passage dans ce lieu. C’est mon pèlerinage à Shikoku qui m’a inspiré cette idée.

Il semble y avoir une volonté de présenter le Japon par le biais des saisons, pourquoi ce choix ?

En réalité ce n’est pas voulu ! Il se trouve que j’ai un visuel que j’avais décliné sous les 4 saisons et j’ai choisi de le disséminer ici et là. On peut toutefois souligner que les saisons au Japon sont très marquées, et que les Japonais vous rappellent souvent que “le Japon a 4 saisons !” On peut voir cela comme un clin d’œil.

Quels sont les outils que tu utilises pour réaliser tes œuvres ?

La très grande majorité de mes dessins sont faits mains dans un carnet que je transporte avec moi, puis scannés et colorisés sur ordinateur. Beaucoup de mes créations sont réellement le fruit de mes voyages et rencontres, c’est pourquoi je tiens à conserver autant que possible ce processus de création. Le fait main rajoute aussi quelque chose d’authentique et ses imperfections donnent une dose d’humanité je trouve. Certaines de mes créations sont réalisées entièrement à l’ordinateur avec une souris mais le rendu est trop “propre” à mon goût et on perd justement cette authenticité. Certaines personnes sont très douées pour faire un dessin à l’ordinateur mais ne savent pas utiliser un crayon. Tout comme un DJ peut sampler des boucles de guitare ou de piano sans savoir jouer d’un instrument. Je ne dénigre pas cette méthode, mais dans mon cas j’ai besoin de savoir utiliser les deux facettes, analogiques et numériques.

Peux-tu nous présenter 2 de tes créations en nous expliquant leur histoire et les choix de compositions ?

L’affiche qui marque beaucoup de monde est celle intitulée “Get a taste of Japan” (“venez goûter au Japon”) qui présente le Mont Fuji dans le fond et au dessus un rond rouge que saisissent 2 baguettes.

Bon Voyage Japon

Cette création est intéressante car très interculturelle: demandez à un Japonais ce que représente le rond rouge, il vous répondra “Umeboshi” (une prune acidulée servie sur du riz). Posez la même question à un Occidental il répondra “le soleil (levant)”. En réalité les 2 réponses se valent et ce qui importe c’est de comprendre l’idée de “goûter/découvrir” le Japon. J’aime quand mes créations ont ce genre d’interprétations multiples. L’idée m’était venu alors que je travaillais sur un logo pour un ami mais qui avait été rejetée. Cette création représente à elle seule Bon Voyage Japon et tout mon travail ici.

Jean Bon Voyage JaponLa deuxième affiche ne parlera pas à beaucoup de monde, mais est pour moi indissociable de ma vie au Japon. Il s’agit de l’affiche “Matsushita” sur laquelle on voit un pin japonais et au second plan une tour coiffée d’un clocher, la scène se passe à l’aube. En 2012 j’ai intégré l’Institut Matsushita of Government and Management, pour un programme très sélectif généralement réservé aux Japonais. L’Institut a été fondé par Konosuke MATSUSHITA, père du géant Panasonic, avec pour but de former l’élite des entrepreneurs et hommes politiques de demain (le cursus dure 4 ans, j’ai été sélectionné pour 1 semestre). L’ancien Premier Ministre Noda faisait partie de la première promotion, j’étais membre de la 34e et parmi les 4 promotions de cette année là et ses 20 membres, j’étais le seul étranger.

Les enseignements mêlaient management à la japonaise, culte de la personnalité, expérience de terrain, cours de politique, neo-religion, apprentissage des “voies” japonaises et sport. La journée type débutait à 5h45, avec 1 heure de balayage à l’extérieur, hiérarchisation des rôles et des tâches. Puis 4 km de courses à pied sur la plage. Après un petit déjeuner, on enfile le costume et la cravate pour aller proclamer à haute voix, alignés, les valeurs de l’Institut une fois la lecture d’un sermon du livre de Matsushita Konosuke terminée. Il est 8 heures, s’ensuivent alors les cours de politiques ou d’histoire. L’après midi pouvait être consacrée à 5h d’affilée d’apprentissage de cérémonie du thé, ou 2 heures de Kendo (art du sabre), ou pourquoi pas aller planter du riz à la main. À la fin de mes 7 mois de participation, nous avons dû parcourir à pied 100km en moins de 24 heures. J’ai passé 7 mois dans un environnement complètement japonais, soumis à la dureté de la hiérarchie verticale japonaise, faisant face à des difficultés linguistiques que j’ignorais, mais au final cela a été une expérience riche et inoubliable. Après l’Institut Matsushita j’ai eu la sensation d’avoir atteint mon objectif que je m’étais fixé à 17 ans et tout me semblait désormais possible. Je pense que c’est à ce moment que la graine “Bon Voyage Japon” a commencé à germer, c’est pourquoi cette affiche me parle beaucoup.

La nourriture semble tenir une place importante dans tes œuvres, peux-tu nous expliquer ton lien avec elle ?

Tokyo regorge de restaurants, ouverts à toute heure de la nuit pour certains, et la nourriture japonaise est excellente. En France lors de ma vie étudiante je n’allais pas trop au restaurant, aujourd’hui comme beaucoup de Japonais j’y vais très souvent. Pour un Occidental, le Japon propose aussi toutes sortes de plats exotiques ou inattendus, et j’ai toujours eu plaisir à tester du poulpe cru ou de croquer dans un poisson encore frétillant. L’utilisation de baguettes est quant à elle un trait culturel très fort, c’est certainement pour cette raison qu’elles reviennent souvent dans mes dessins.

Chez Journal du Japon, nous avons particulièrement aimé Tokyo Metro et Kyoto, peux-tu nous expliquer comment elles ont été construites ?

Bon Voyage Japon

Tokyo Metro me rappelle à mes années de néophyte au Japon, quand je prenais le métro et que la carte me semblait incompréhensible à première vue. On aurait dit une pelote de laine ou des fils d’écouteurs entremêlés, c’était tellement dense et fouillis que ça me semblait presque une blague. Je sais que beaucoup de visiteurs au Japon font la même expérience, j’ai donc voulu la retranscrire de manière à ce qu’elle parle à tout le monde. J’étais dans une période “ramen” et du coup l’idée de faire un bol de nouilles m’a semblé évidente. On retrouve les traits culturels du Japon (baguettes, bol de ramen) et du métro (lignes par couleur, mini plan des voies sur le bol et le ticket de métro en guise d’algue séchée). Si cela avait été une ville italienne j’aurais certainement fait un plat de spaghetti !

Kyoto est une ville qui regorge de lieux à visiter et à moins de rester plusieurs jours on est bien contraint de faire une sélection. C’est un peu l’idée du dessin. L’idée de mettre la ville dans une boîte à bento provient de l’urbanisme de la ville. Kyoto est en effet construite sur une structure en damier, comme New York par exemple, avec des rues verticales et horizontales. Les quartiers sont comme compartimentés, à la manière d’un bento.

Le Mont Fuji et les torii sont les deux symboles japonais que l’on retrouve le plus dans tes œuvres, qu’est-ce qu’ils représentent pour toi ?

Le Mont Fuji est certainement le symbole par excellence du Japon et déjà enfant je comprenais à quoi il faisait référence. C’est une montagne vraiment majestueuse et puissante, que l’on peut voir de très loin et pourtant quand on se trouve juste à côté il se peut qu’on ne la voit pas à cause des nuages. En vivant à Tokyo, apercevoir le Mont Fuji est toujours une satisfaction pour moi. De ma plaine d’Alsace natale j’avais cette habitude de me situer par rapport aux montagnes allemandes à l’est et françaises à l’ouest. Le Mont Fuji est un peu ma boussole.

Bon Voyage JaponLes torii sont également un trait culturel japonais très fort, car la religion shinto n’existe pas ailleurs dans le monde. J’aime l’idée du portique qui ouvre à un espace sacré. On trouve des torii très basiques et d’autres très sophistiqués, des rouges, d’autres en bois, récemment à Hokkaido j’ai découvert mes premiers torii métalliques ! Je ne pratique pas de religion mais j’aime beaucoup l’idée polythéiste du shintoïsme, son absence de vision absolue du bien et du mal et de vénération de la nature. Lorsque j’étais à l’Institut Matsushita j’ai notamment eu la chance de participer à la cérémonie shinto du Shikinen Sengu de Ise, tradition qui n’a lieu qu’une fois tous les 20 ans et vieille de 1300 ans. Elle consiste à transférer l’âme de la déesse du soleil Amaterasu dans un sanctuaire construit à l’identique, juste à coté, et de démonter ensuite l’actuel. J’ai rarement vécu une expérience aussi étrange, nous étions un nombre très limités de spectateurs et les participants étaient tous vêtus de leurs habits traditionnels de prêtres ou autres, j’avais l’impression de faire un bond dans le passé. C’était très marquant, le torii me rappelle toujours à cette expérience.

Que cherches-tu à transmettre à travers cet ouvrage ?

Cet ouvrage est pour moi un hommage au Japon et aux lieux que j’affectionne. Je veux que les lecteurs puissent (re)découvrir le pays et se ré-appropriant mes affiches comme leur propres souvenirs. À la différence d’une photo réaliste prise des milliers de fois par des milliers de personnes, mes dessins font davantage appel à l’imaginaire, ce sont une ré-interprétation de la réalité plus qu’une copie. Si en voyant mes affiches vous avez envie d’aller au Japon, si elles vous rappellent un souvenir ou vous font rêver, alors mon objectif est atteint.

Qu’attends-tu pour la suite de Bon voyage ?

J’ai encore beaucoup ce choses à raconter et partager sur le Japon, il est possible que je décline encore d’autres idées pour les inclure dans la collection Bon Voyage.

De manière plus générale, après le Japon je souhaiterais élargir à d’autres destinations en adaptant le concept aux spécificités culturelles de chaque pays. Je ne pourrais peut-être pas faire de calligraphies pour la destination France comme je l’ai fait pour ce livre, il faudra définir autre chose. Mais c’est cela qui est intéressant, savoir se ré-inventer pour s’adapter.

J’ai beaucoup voyagé en Chine, un pays qui me fascine de par la langue et la diversité des paysages. À l’heure actuelle j’ai déjà une quinzaine d’affiches toutes prêtes, allant des gratte ciels naturels de Zhangjiajie aux cultures Ouïgour de raisins dans le désert. Ce sera peut-être le prochain volume. J’ai également des illustrations d’un voyage sans avion du Japon à la France en  passant par le Transsibérien. Et bien-sûr je suis impatient de faire celui sur l’Alsace !

La campagne de financement participatif que j’ai lancé a pour but de fédérer une communauté d’amoureux du Japon et de pouvoir les sensibiliser à mon travail par le livre, mais aussi par des sérigraphies originales que je propose ou des dessins participatifs que je réalise avec eux. Grâce à ces soutiens et cette envie de découverte, nous pourrons aller encore plus loin avec de nouveaux volumes.

Mon objectif est donc de faire voyager mon public via mes affiches, pour que dans 5 ou 10 ans trônent fièrement sur nos bibliothèques une série de destinations de la célèbre collection Bon Voyage. Et que les gens qui ont su croire en moi au début puissent dire “je fais partie des membres fondateurs de cette collection”.

Bon Voyage Japon

Merci à Jean pour cette interview. La campagne de financement participatif a déjà atteint le 3e pallier avec plus de 300 contributeurs et nous souhaitons une belle réussite à ce nouveau projet qui met à l’honneur le Japon et ses spécificités culturelles. Pour suivre l’avancée du projet Bon Voyage Japon et les aventures de Jean, rendez-vous sur son instagram et son facebook.

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